vendredi 4 janvier 2013

En deçà des promesses / 9


Continuons l’exploration du Franqus, Dictionnaire de la langue française, le français vu du Québec.


Moron

Dans mon dernier billet j’ai utilisé comme exemple le gentilé Moronais (habitant de Moroni aux Comores). Ce qui, après coup, m’a donné l’idée de vérifier quel traitement le Franqus avait réservé au mot moron, mot on ne peut plus québécois, venant de l’anglais moron (« a term once used in psychology to denote mild mental retardation » selon Wikipédia). Le mot est attesté en français québécois depuis environ 1935 s’il faut en croire le Trésor de la langue française au Québec.


Comme bien d’autres mots de la langue populaire, moron est absent du Franqus.


Nique

Sous le mot nique, le Franqus n’offre que la locution verbale faire la nique à qqn, sans aucune marque. L’expression ne semble pas très courante au Québec puisque le Trésor de la langue française au Québec n’en offre qu’une seule attestation (de 1992).


Le Franqus n’a pas nique au sens de « nid », plus fréquent et attesté depuis 1899 selon le TLFQ (17 attestations). Comme pour icitte (traité comme acadianisme), il doit s’agir d’un cas d’autocensure. À partir du moment où on a proclamé dans je ne sais plus combien de colloques que l’on a la solution magique pour traiter le vocabulaire québécois dans son ensemble (la fameuse hiérarchisation des usages !), il y a de quoi s’étonner de voir que les bottines ne suivent pas les babines (expression absente s.vv. bottine et babine). Il est vrai que ces mots ne font sans doute pas partie du français québécois standard « tel qu’il est écrit par l’élite québécoise, qui possède un français de qualité tout en incluant dans leur [sic] discours des mots, des expressions, des références, des sens différents du français de France[1] ». Bon, en ne cachant pas que j’ai trouvé cette citation dans le livre de Meney, je le sais, je me cale (l’usage pronominal du verbe caler n’a pas été enregistré non plus par le Franqus).


Le Franqus, qui a pourtant « UF vulg. se branler », n’a pas retenu l’UF arg. et pop. niquer défini ainsi par le TLFi : posséder (quelqu'un) charnellement ; ce sens est aussi donné par le Larousse en ligne.


Calleur, câleur

En vérifiant le traitement réservé au verbe caler, j’ai vu tout de suite après lui le nom câleur (« personne qui appelle les figures qu’exécuteront les danseurs, lors d’une danse traditionnelle »). Mais il n’y a pas de verbe câler (câler une danse, mais aussi câler un orignal). Il y a là une incohérence.


Bruschetta

Très curieuse, la prononciation de ce mot donnée par le Franqus : [bRutʃɛtɑ]. Elle ne correspond pas à la prononciation d’origine [brus’ket:ta] ni à la prononciation que j’entends couramment dans les épiceries de Québec [bRuʃɛtɑ].


Venir

« […] moi, je venais sur les nerfs en ti-Jésus » (tiré des propos d’un député – et sociologue – en entrevue)
Jessica Nadeau, « Sylvain Roy : un ‘agent de développement’ à Québec, Le Devoir, 4 janvier 2013


Ce sens du verbe venir est absent du Franqus. Mais on le trouve dans… le lexique des helvétismes, où on peut lire : « cet usage […] est en revanche très courant […] en français québécois ». Encore une incohérence.


Le sens « jouir » du verbe venir n’est pas signalé non plus dans le Franqus.



À suivre




[1] Cité d’après Lionel Meney, Main basse sur la langue, Montréal, Liber, 2010, p. 298.

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